Louise

Je viens d’apprendre le décès brutal de Louise Merzeau. Elle m’avait invité à participer au séminaire Ecrilecture en 2012 et je me souviens de cette discussion si forte et riche qui s’y était développé. Grace à Louise, j’ai rencontre Marcello Vitali-Rosati, Vincent Larrivière, etc. mes contacts du Québec avec qui je travaille aujourd’hui. J’ai croisé plusieurs fois Louise Merzeau dans des réunions, ateliers, et j’avais été marqué par la richesse de ses analyses, toujours très précises, appelant à réfléchir. Elle m’avait souvent questionné sur les « traces » dans le cadre du projet ISIDORE, et particulièrement lors du séminaire Ecrilecture. Ses questions étaient si constructives. Je pense à ses proches, à ses étudiants. Louise va nous manquer.

Lectures pour un été pluvieux ?

Je signale le très bon billet sur l’interopérabilité de Marie-Anne Chabin dans son blog (merci d’ailleurs à Silvère Mercier pour le signalement). Je me suis permis un petit et court commentaire à ce billet car il fait écho en partie aux limites de l’interopérabilité quand elle devient plus une mode qu’un besoin réel. C’est particulièrement vrai dans le monde de l’interopérabilité des métadonnées documentaires ou le protocole OAI-PMH est largement utilisé (ce qui est bien) mais parfois mal maitrisé : Il est courant de tomber sur des entrepôts OAI-PMH qui tentent d’échanger des métadonnées qui, non-normalisées par exemple, ne trouveront pas d’utilisateurs « en face » pour les exploiter réellement.

En écho complémentaire, je signale la journée d’étude « De l’OAI au web de données : Bibliothèques et publications sur Internet » le 12 octobre 2012 qui se propose d’explorer le lien entre interopérabilité et utilisation du web comme lieu de publication même des informations structurées. Pour finir, je me permet de vous encourager de regarder et d’écouter de temps en temps l’intervention d’Emmanuelle Bermes sur le web de données qui éclaire toutes ces notions de façon magistrale.

Equipes Numériques : nouveaux métiers, nouvelles structures

Ce billet s’appuie sur le texte de Pierre Mounier disponible en ligne sur l’Unité Numérique de l’ENS LSH.

 

La diffusion de sources historiques sur le web est en augmentation et la demande est de plus en plus forte. Les étudiants, au niveau master par exemple, seront dans quelques années, les principaux utilisateurs des sources historiques numérisées et disponibles en ligne (web et entrepôts OAI). Le signalement de ces sources s’améliore de jours en jours même si de nombreux sites ou entrepôts de données restent « isolés » (notion curieuse pour le web je vous l’accorde). Après l’époque des sites web offrant des sources numérisées, nous sommes dans celle des entrepôts, et des méta-entrepôts. Aujourd’hui, tout le monde fait de la rétro-numérisation de sources : bibliothèques, services d’archives, laboratoires de recherche, projets de recherche. Même un chercheur isolé demande de plus en plus une copie numérisée d’une source et si possible envoyée à son adresse électronique. Depuis quelques années, des présentations PowerPoint, « augmentées » de sources numériques, fleurissent dans les TD des universités et les plateformes d’enseignement à distance. Dans le monde de la recherche scientifique en sciences humaines et sociales, c’est aujourd’hui une évidence, les sources numérisées sont partout.

Depuis quelques années, la demande devient également importante. Aujourd’hui, les chercheurs publient des articles dans des revues électroniques, déposent dans les archives ouvertes et associent, ou le feront bientôt, à leurs articles des fac-similés numériques (manuscrits, collections de photos, etc.). Face à cette demande, des méta-entrepôts sont en construction. Ils sont souvent la partie immergé de méta-portails disciplinaires. La tendance actuelle et à l’interconnexion de ces méta-entrepôts à l’aide protocoles fondés sur : des normes communes, des briques technologiques communicantes et utilisant les canaux naturels du web (http, etc.).

Dans les sciences humaines, ces méta-entrepôts sont créés la plupart du temps par les équipes IT regroupant des ingénieurs, des techniciens spécialisés en information scientifique et techniques (IST), en documentation et archivistique et des chercheurs (voir le billet de Pierre Mouier sur l’Unité Numérique). En lisant ce billet, je me suis aperçu que mon équipe IT – le CRHST et son centre de ressources numériques (le CN2SV) – avait un rôle assez semblable finalement et je me suis assez bien reconnu dans ce paragraphe de Pierre Mounier :

« Pour dire les choses brutalement, l’Unité Numérique est une structure nouvelle qui répond à une situation nouvelle. On peut penser qu’elle est une manière particulière, comme d’autres le font différemment ailleurs, d’inventer un nouveau métier, celui d’éditeur numérique. Elle ne pourrait faire ni l’un ni l’autre (répondre à la situation et inventer un métier) si son centre de gravité se déplaçait et la faisait tomber de l’un ou l’autre des côtés (dans une bibliothèque, un service informatique ou une maison d’édition traditionnelle). »

Un nouveau métier ? Oui, j’en suis persuadé depuis quelques temps, c’est bien un nouveau métier avec ces formations et ces réseaux. A nouveau métier, nouvelles structures ? Bien évidement. Elles font de l’informatisation des données, de l’ingénierie documentaire, de la re-documentarisation de sources, de l’édition électronique et elles inventent et adaptent des outils informatiques pour des projets de recherche. Elles sont le lien, grâce à la veille technologique, entre les contenus des grandes bibliothèques numériques et les besoins des chercheurs. Je rejoints également Pierre Mounier sur l’idée suivante :

« … le principe du respect de l’autonomie scientifique et éditoriale des équipes de recherche avec lesquelles le travail est fait. Et l’application de ce principe est un peu une quête du Graal car il ne se résume évidemment pas à laisser les chercheurs tout faire par eux-mêmes. Il s’agit bien plutôt de faire en sorte que les choix qui sont faits et les actions techniques qui sont déléguées à l’Unité Numérique ne se traduisent pas par une dépossession et finalement une trahison des projets de recherche. Il faut donc pour chaque projet, en fonction du type de réalisation et de demande, mais en fonction aussi des particularités propres à l’équipe qui la porte, imaginer un dispositif qui mixe un choix d’outils appropriés, une bonne répartition des tâches et des niveaux de décision et une dose variable de formation des équipes de recherche aux technologies numériques. A ma connaissance, mais je peux me tromper, la composition du cocktail n’est pas totalement standardisable et ne peut faire l’objet de procédures automatiques. »

Pour ma part, et depuis que je travaille dans ce domaine du CNRS, je pense que l’accompagnement des chercheurs dans leurs projets doit s’appuyer sur :

  1. Un respect éditorial du projet porté par l’équipe de recherche (ER)

  2. Une implication de l’ER, par l’initiation, l’information et la démonstration, dans les problématiques propres à l’équipe IT. Ainsi elle comprend mieux les contraintes (techniques, financières, etc.) et les choix réalisés.

  3. Un respect des formats ouverts, tant sur le plan des logiciels que sur les formats de stockages des données

  4. L’établissement de phases de production qui prennent en compte la pérennité des données et des réalisations (en collaboration avec d’autres organismes pour les productions web par exemple)

Ce sont les quatre principales règles que nous respectons au CRHST et dans le cadre du CN2SV, elles sont proches de celles de l’Unité de Pierre Mounier. Je pense qu’elles doivent être utilisées ailleurs, dans d’autres équipes adossées à d’autres institutions, et j’en suis heureux. Ce nouveau métier et ces structures nouvelles au service des sources numérique en ligne, ouvrent sans aucun doute, de nouveaux horizons pour la recherche scientifique.

Alors, 2008, année zéro ?